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Key findings
  • Deux Togolais sur trois (66%) pensent que le franc CFA profite plus à la France qu’aux pays membres de la zone franc comme le Togo et qu’il devrait être remplacé
  • Les Togolais les plus riches et les plus éduqués, les citadins, et les hommes sont les plus enclins à choisir une sortie du franc CFA.
  • Plus les Togolais perçoivent que le pays va dans une mauvaise direction ou que la situation économique actuelle du pays ou encore que leurs propres conditions de vie sont mauvaises, plus ils sont pour que leur pays se retire du franc CFA

Le franc des colonies françaises d’Afrique, ou franc CFA, a été créé par la France en décembre 1945 et est devenu lors des indépendances de 1960 le franc de la Communauté Financière Africaine pour les pays de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) et le franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale pour les pays membres de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) (BCEAO, 2018; Petteng, 2016). Si la monnaie est commune, avec une parité fixe avec l’euro (1 euro = 655,957 francs CFA), elle n’est pas pour autant échangeable entre les deux zones et ceci depuis les décisions des deux banques centrales de ne plus racheter les billets exportés dans l’autre zone en 1993 (BCEAO, 2018; Abakar & Ahmat, 2016).

Comme un serpent de mer, le débat sur le maintien du franc CFA ressurgit périodiquement, soit lancé par une crise (la dévaluation du franc CFA en 1994), soit par les activistes et certains intellectuels africains, et même certains hommes politiques de premier rang tel que le Président Idriss Déby Itno du Tchad, qui appelle à se débarrasser du franc CFA (Dieng, 2015). Mais la particularité de la dernière résurgence de ce débat vient du fait qu’il a été lancé par les autorités italiennes, qui subissent de plein fouet les affres de la crise migration. Cela a permis pour la première fois de mettre en lumière ce sujet en Europe et a quasiment engendré une crise diplomatique entre la France et l’Italie, car des officiels du gouvernement italien accusaient la France d’appauvrir l’Afrique francophone, ce qui engendrerait l’immigration clandestine (Euronews, 2019; BBC, 2019; Licourt, 2019).

Les personnes qui s’attaquent ouvertement à cette question en subissent les conséquences. Ainsi, les anciens présidents togolais (Sylvanus Olympio), ivoirien (Laurent Gbagbo), et libyen (Moammar Gadhafi) en auraient fait les frais, deux se faisant assassiner et le troisième se retrouvant devant la Cour Pénale Internationale (Tété, 2017; Fofana, 2018; Attisso, 2017; Jocegaly, 2014). On peut également rappeler les déboires de l’activiste français d’origine béninoise Kemi Seba, expulsé du Sénégal en septembre 2017, ou encore ceux de l’ancien ministre togolais Kako Nubukpo, qui a été remercié de son poste de directeur de la Francophonie Economique et Numérique la même année (Ba, 2017; Jeune Afrique, 2017; De Filippis & Malagardis, 2017).

Si des intellectuels ou des activistes poussent pour que les lignes bougent sur cette question, il faut dire également que des initiatives politiques sont prises pour sortir du franc CFA. Le débat sur la monnaie de la CEDEAO, qui est en cours depuis les années ’80, semble connaitre une accélération avec la mise en place d’une « task force » pour une sortie à l’horizon 2020 (Meta TV, 2017; Dossou, 2018), même si une majorité de chefs d’état continuent à accorder leur soutien au franc CFA (Viallet, 2018).

Les résultats de l’enquête la plus récente d’Afrobaromètre au Togo révèlent que contrairement à leurs dirigeants, une majorité des Togolais sont pour une sortie du franc CFA. Le choix des Togolais sur cette question dépend de leurs perceptions des conditions économiques actuelles du pays et de leurs propres conditions de vie.

Hervé Akinocho

Hervé Akinocho is the director of the Center for Research and Opinion Polls – CROP, based in Lome in Togo.