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Key findings
  • Trois-quarts (75%) des Africains soutiennent les élections libres, transparentes et régulières comme le meilleur moyen de choisir leurs dirigeants, dont 50% sont « tout à fait d'accord » avec ce point de vue (Figure 1). o Plus de six citoyens sur 10 soutiennent les élections à travers tous les pays sondés, à l'exception du Lesotho, où la majorité (54%) des répondants préfèrent d'autres méthodes pour choisir les dirigeants. Le soutien aux élections atteint neuf citoyens sur 10 environ au Libéria (92%) et en Sierra Leone (89%) (Figure 2). o Le soutien aux élections s'accroît avec l'âge, variant de 73% chez les 18-35 ans à 78% chez les plus de 55 ans. Il est particulièrement plus marqué en Afrique de l'Est (83%) et en Afrique de l'Ouest (79%) que dans les autres régions (69%- 71%) (Figure 3).
  • Cependant, si le soutien au choix des dirigeants par le biais d'élections demeure important, il a considérablement régressé au cours de la dernière décennie (Figure 4). En moyenne, dans les 29 pays où cette question a été posée aussi bien en 2011/2013 qu'en 2021/2023, ce soutien a chuté de 8 points de pourcentage, avec notamment un déclin massif en Tunisie (-24 points de pourcentage), au Burkina Faso (-19 points) et au Lesotho (-19 points). La Sierra Leone est le seul pays sondé à enregistrer une hausse importante du soutien aux élections (+13 points).
  • Presque deux tiers (64%) des Africains soutiennent la compétition multipartite pour garantir que les électeurs puissent réellement choisir qui les gouverne, tandis que 34% pensent que les partis politiques favorisent la division et la confusion et que leur pays n'a pas besoin d'en avoir beaucoup (Figure 5). o La demande pour un système multipartite excède trois quarts des adultes dans neuf pays, en tête desquels le Congo-Brazzaville (81%), le Botswana (80%) et les Seychelles (80%) (Figure 6). Mais moins de la moitié des citoyens souhaitent une compétition entre les partis en Tunisie (32%), au Lesotho (34%), au Soudan (38%), au Burkina Faso (39%), au Mali (40%), à São Tomé et Príncipe (41%) et en Guinée (43%) – dans bien des cas, des pays qui ont connu des crises, des coups d'Etat manqués ou réussis, voire des guerres civiles. o En moyenne, dans les 30 pays régulièrement sondés depuis 2011/2013, le soutien à la compétition multipartite est demeuré stable autour de deux tiers environ (62%-64%) de la population. Mais les variations à l'échelle nationale ont été remarquables, avec notamment des hausses à deux chiffres du soutien en Eswatini (+31 points de pourcentage), au Botswana (+18), au Kenya (+17) et au Sénégal (+17). En revanche, le soutien à la compétition entre partis a fortement décliné au Lesotho (-36 points), au Niger (-20), au Mali (-18), au Burkina Faso (-17) et en Guinée (-14) (Figure 7). o Le souhait d'un système multipartite est un peu moins marqué chez les citoyens plus âgés (-7 points de pourcentage), beaucoup moins marqué chez les citoyens moins instruits (-16 points), et plus particulièrement en Afrique du Nord (44%, contre 79% en Afrique Centrale) (Figure 8).
  • Presque trois quarts (73%) des citoyens déclarent qu'après avoir perdu une élection, l'opposition devrait coopérer avec le gouvernement pour contribuer au développement du pays, plutôt que de contrôler et critiquer le gouvernement pour l'obliger à rendre des comptes. Cette opinion est majoritaire dans tous les pays sondés, de 55% en Mauritanie à 84% au Cabo Verde (Figure 9).
  • Presque à égalité avec le soutien aux élections, le taux auto-déclaré de participation aux dernières élections nationales de leur pays avoisine les trois quarts des adultes (72%) (Figure 10). Les taux de participation sont particulièrement élevés aux Seychelles (91%), en Sierra Leone (89%) et au Libéria (89%), tandis que moins de la moitié des citoyens déclarent avoir voté au Maroc (49%), au Gabon (48%), au Soudan (42%), en Côte d'Ivoire (41%) et au Cameroun (41%). o Les plus jeunes (63% des 18-35 ans) sont beaucoup moins susceptibles de déclarer avoir voté que les tranches plus âgées (78%-84%). Les taux de vote rapportés sont également relativement faibles chez les femmes, les résidents urbains et les répondants les plus instruits, et sont bien plus bas en Afrique du Nord et en Afrique Centrale (51% chacun) que dans les autres régions (72%-79%) (Figure 11).
  • Moins de la moitié (42%) des Africains pensent que les élections dans leur pays permettent d'élire des députés qui représentent l'opinion des électeurs. Une minorité analogue (45%) de répondants estiment que les élections permettent aux électeurs de révoquer les dirigeants qui ne répondent pas aux attentes du peuple (Figure 12). o Ces évaluations sont demeurées relativement stables au cours des huit dernières années (Figure 13).
  • La Tanzanie (64%) et le Ghana (62%) enregistrent les niveaux de confiance les plus élevés quant au fait que les élections garantissent la représentativité, alors que moins d’un citoyen sur cinq au Gabon (17%) et en Eswatini (18%) sont de cet avis (Figure 14). Il est intéressant de noter que certains pays souvent reconnus pour leur haut niveau de démocratisation enregistrent des niveaux de confiance inférieurs à la moyenne en la capacité des élections à assurer la représentativité, notamment le Botswana (25%), le Cabo Verde (34%), Maurice (36%) et les Seychelles (39%).
  • La confiance en la capacité des élections de permettre aux électeurs de remplacer les dirigeants non performants est étonnamment faible au Gabon (14%), où le règne de la famille Bongo a duré 55 ans avant d'être interrompue par un coup d'Etat en août 2023, et en Eswatini (15%), où une monarchie constitutionnelle a résisté aux pressions en faveur d'une réforme politique. Même si Maurice et le Botswana sont présentés comme des modèles démocratiques, un tiers seulement de leurs citoyens (34% chacun) considèrent que leurs élections donnent aux électeurs le pouvoir de renverser les dirigeants en place. En revanche, c'est au Ghana (80%), pays qui a connu de multiples alternances à la tête de l'Etat et du parti au pouvoir, et en Gambie (72%), où 22 années de dictature se sont soldées par une défaite électorale et l'exil de Yahya Jammeh, que la confiance en cette fonction des élections est la plus forte (Al Jazeera, 2017). o La perception que les élections garantissent la représentativité est particulièrement faible parmi les citoyens les plus instruits (37%) et les citoyens des pays d'Afrique Centrale (30%) (Figure 15). La tendance est presque identique pour ce qui est de l'opinion selon laquelle les élections permettent aux électeurs d'écarter les dirigeants non performants.
  • Les Africains sont très nombreux à déclarer qu'ils se sentent « entièrement libres » (65%) ou « assez libres » (20%) de voter pour le candidat de leur choix sans subir de pression. Seulement 14% se sentent sous pression ou contraints (Figure 16). o Ce sentiment de liberté est presque universel (97% se sentent « entièrement » ou « assez » libres) en Gambie, en Zambie, en Sierra Leone et en Tanzanie. Il est beaucoup moins répandu en Ethiopie et en Eswatini, où respectivement 28% et 35% seulement se sentent « entièrement libres » (Figure 17). o Les Ouest-Africains sont les plus susceptibles de dire qu'ils se sentent assez/entièrement libres de voter comme ils le souhaitent (90%), tandis que les Centre-Africains se sentent les moins libres (75%) (Figure 18).
  • Six Africains sur 10 disent que leurs dernières élections nationales étaient « entièrement libres et transparentes » (37%) ou « libres et transparentes avec des problèmes mineurs » (23%). Cependant, un tiers (34%) des répondants déclarent que leurs élections étaient « ni libres ni transparentes » ou « libres et transparentes avec des problèmes majeurs » (Figure 19). o Ces appréciations divergent de plus de 60 points de pourcentage d'un pays à l'autre, d'un quart seulement des Gabonais (24%) et des Soudanais (25%) à presque neuf Tanzaniens (87%) et Libériens (85%) sur 10 qui pensent que leurs élections étaient globalement libres et transparentes (Figure 20). o La perception que les élections étaient libres et transparentes est beaucoup moins répandue en Afrique Centrale et du Nord (37% et 40%, respectivement) que dans les autres régions (59%-66%). Les habitants des zones rurales, les citoyens plus âgés et les répondants moins instruits sont plus susceptibles de considérer leurs élections libres et transparentes que les citadins, les jeunes et les répondants plus instruits (Figure 21). o En moyenne dans les 31 pays régulièrement sondés depuis 2014/2015, le sentiment que les élections sont généralement libres et transparentes a régressé de 64% à 58% (Figure 22).
  • En ce qui concerne deux autres indicateurs des conditions électorales – le secret du scrutin et la sécurité personnelle – la majorité des Africains n'ont guère de raisons de s'inquiéter. Néanmoins, une importante minorité d’Africains pensent qu'il est possible pour des personnes influentes de savoir comment ils ont voté (30%) et déclarent avoir eu « un peu » ou « beaucoup » peur de l'intimidation ou de la violence lors de leur élection la plus récente (21%) (Figure 23). o Les doutes relatifs au secret du scrutin sont particulièrement élevés au Soudan (53%) et au Cameroun (52%), alors que moins d’un répondant sur six partagent cette inquiétude en Sierra Leone (16%), en Zambie (15%), en Gambie (15%) et en Tanzanie (13%) (Tableau 1). o Presque la moitié des répondants en Guinée et en Ouganda (47% chacun) déclarent avoir craint des intimidations ou des violences lors de leur dernière élection – environ 10 fois plus qu'à Maurice (5%), au Maroc (5%), et à Madagascar (4%).
  • Par ailleurs, la confiance du public vis-à-vis de la commission chargée d'organiser et gérer les élections est assez faible dans la plupart des pays (Figure 24). En moyenne, quatre citoyens sur 10 seulement (39%) déclarent faire « partiellement » ou « beaucoup » confiance à leur commission électorale nationale, tandis que 57% n'expriment que quelque peu ou pas de confiance. La Tanzanie fait figure d'exception, 79% des citoyens exprimant leur confiance en la commission électorale. Moins d’un répondant sur quatre sont de cet avis au Gabon (16%), en Angola (21%), en Eswatini (22%), au Congo-Brazzaville (23%) et au Nigéria (23%). o La confiance en la commission électorale est particulièrement faible parmi les résidents urbains (35%), les jeunes (37%), les citoyens ayant un niveau d'instruction secondaire ou post-secondaire (35%), et les résidents d’Afrique Centrale (24%) (Figure 25). o En moyenne à travers les 27 pays où cette question a été régulièrement posée depuis 2011/2013, la confiance en la commission électorale a chuté de 10 points de pourcentage, de 51% à 41% (Figure 26).

L’année 2024 promet d’être riche en élections en Afrique. Des scrutins nationaux sont prévus  dans 23 pays africains, de l’élection présidentielle des Comores en janvier à celle du Ghana  en décembre (EISA, 2024 ; Chemam, 2024). 

Même les élections sans heurts sont des moments de tension et d’enjeux importants qui  peuvent mettre les processus démocratiques à l’épreuve. Et les élections en Afrique n’ont pas  toujours été des démonstrations d’une organisation sans heurts, de conditions de jeu libres et  transparentes et de résultats universellement acceptés (Gueye, 2009 ; M’Cormack-Hale &  Dome, 2022). La dernière décennie a été marquée par une multitude de remises en cause  des normes démocratiques dans la quête du pouvoir, qu’il s’agisse de la manipulation des constitutions dans le but de conserver le pouvoir, de la répression d’activités  de campagne légitimes, de violences pré- et post-électorales, de fraudes  électorales ou de coups d’Etat. Rien que depuis 2020, le continent a connu  neuf coups d’Etat réussis, dont six en Afrique de l’Ouest et huit dans des  pays francophones (AJLabs, 2023 ; Africanews, 2023 ; Adekoya, 2021; Freedom House, 2019 ; Mbulle-Nziege & Cheeseman, 2022 ; Institute for  Security Studies, 2023 ; Zounmenou & Adam, 2021 ; Darracq & Magnani,  2011). 

Ces irrégularités et abus se poursuivent en dépit des efforts déployés par les organisations  régionales en vue de renforcer les processus démocratiques. Par exemple, le protocole sur la  démocratie et la bonne gouvernance de la Communauté Economique des Etats de  l’Afrique de l’Ouest (2001) prévoit que toute réforme de la constitution ou de la législation  électorale dans les six mois précédant une élection doit faire l’objet d’un consensus entre  toutes les parties, mais les acteurs politiques contournent souvent cette disposition. 

Si les élections ne constituent qu’un aspect de la démocratie (Lindberg, 2006), elles attirent  une attention considérable de la part du public, et des élections mal gérées, irrégulières ou  litigieuses peuvent ébranler la confiance des citoyens vis-à-vis des élections et du  fonctionnement de la démocratie (Afrobarometer, 2023 ; M’Cormack-Hale & Dome,  2022a, b ; Bratton & Bhoojedhur, 2019 ; Penar, Aiko, Bentley, & Han, 2016 ; Penar, 2016 ;  Darracq & Magnani 2011 ; Zounmenou & Adam, 2021). 

Les efforts déployés par la classe politique et les organes électoraux en vue de consolider la  confiance du public vis-à-vis des élections impliquent souvent la mise en place de systèmes  de contrôle complexes et coûteux, tels que le vote électronique au Nigéria, qui ont fait  passer le coût par habitant des élections africaines à plus du double de la moyenne  mondiale, sans pour autant garantir des élections largement perçues comme légitimes  (Sawyer, 2022).

Alors que les citoyens à travers le continent abordent une saison électorale chargée,  comment perçoivent-ils la qualité et l’efficacité de leurs élections ? 

Les résultats des enquêtes Afrobarometer au titre du Round 9 dans 39 pays africains  montrent que si la plupart des Africains estiment que les élections sont la meilleure méthode  pour choisir leurs dirigeants, cette préférence s’est affaiblie au cours de la dernière décennie.  La plupart des répondants se sentent libres de voter comme ils l’entendent et considèrent  leurs dernières élections globalement libres et transparentes, mais moins de la moitié pensent  que les élections garantissent une gouvernance représentative et redevable. La confiance  du public envers les organismes nationaux en charge de la gestion des élections est faible  dans la plupart des pays. 

Hervé Akinocho

Hervé Akinocho is the director of the Center for Research and Opinion Polls – CROP, based in Lome in Togo.