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En cette année de la COVID-19, la capacité des sociétés à œuvrer collectivement à la résolution des défis occupe une position centrale. En effet, le soutien et l’adhésion du public aux mesures de santé publique ont été mentionnés parmi les facteurs expliquant les taux de contamination et de mortalité bien plus faibles en Afrique comparativement à d’autres régions du monde (BBC, 2020).

Les analystes étudient les relations sociales et les divisions sociales précisément parce qu’ils estiment que les sociétés plus cohésives – c’est-à-dire dont les relations entre groupes sociaux ainsi qu’entre groupes sociaux et le gouvernement sont plus fortes et plus positives – seraient également plus à même de résoudre des préoccupations communes et de stimuler le bien- être et le développement.

À quel point les relations sociales sont-elles solides ou faibles en Afrique? Le continent a souvent été présenté comme déchiré par les conflits et des dissensions, surtout des dissensions fondées sur l’ethnicité. Quelle est la réalité? Les citoyens des pays africains partagent-ils un sentiment d’identité commun et un objectif national susceptibles de les unir autour d’aspirations communes, comme le suggèrent certaines des expériences vécues dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus? Ou sont-ils, comme le suggèrent les stéréotypes, lacérés par des clivages et une méfiance qui entravent la quête du bien commun?

Des recherches articulées autour de concepts tels que le capital social, la cohésion sociale, et le pluralisme ont étudié ce par quoi les gens s’identifient, où les clivages sociaux sont les plus profonds, et comment les relations se développent horizontalement entre les groupes identitaires et verticalement entre ces groupes et l’État (voir par exemple Chan, To, & Chan, 2006; Jenson, 2019; Lockwood, 1999).

Tant les identités que les relations sont complexes et multidimensionnelles. Bien qu’il soit souvent considéré comme acquis, par exemple, que l’ethnie est l’identité – et la source de clivage – la plus évidente dans nombre de pays africains, un simple regard au-delà de l’ethnie suggère que le sexe, la religion, la race, la richesse, l’éducation, la nationalité, et la tendance partisane sont autant de facteurs potentiellement critiques d’identité et de clivage, au moins dans certains pays et à certains moments. Il est également essentiel de comprendre la présence ou l’absence d’identités nationales ou panafricaines prédominantes susceptibles de contrebalancer ou même supplanter les identités et clivages sous-nationaux.

Les relations pourraient également comporter plusieurs niveaux. Les analystes du capital social et de la cohésion sociale se concentrent souvent sur la « confiance » – entre et parmi les individus, les groupes identitaires, et l’État. Mais la « confiance » pourrait être une norme assez élevée dans de nombreuses sociétés (voir par exemple Nunn & Wantchekon, 2011), et d’autres facteurs relationnels – la tolérance, l’acceptation, et le respect mutuel d’une part, et le rejet, les préjugés, et la discrimination d’autre part – pourraient être aussi pertinents, tout comme le fait que les individus et les sociétés perçoivent ou non la diversité comme un facteur de force sociale.

Des données récentes d’Afrobarometer apportent un nouvel éclairage sur certaines de ces identités et relations. Au cours de son huitième round d’enquêtes en cours (2019/2021), Afrobarometer se concentre sur trois principales sources d’identité et de clivage potentiel – l’ethnie, la religion, et le statut économique – tout en examinant l’attrait de l’identité nationale collective. Pour ce qui est des relations, outre la mesure de la confiance, Afrobarometer explore le niveau de tolérance ainsi que la discrimination basée sur l’identité

Les résultats révèlent la complexité de la cohésion sociale. La confiance généralisée est extrêmement faible – ce qui semble être un mauvais signe pour les sociétés africaines – et l’expérience de la discrimination, surtout les traitements injustes basés sur le statut économique, est relativement répandue. Mais en même temps, il est clair que la population apprécie la diversité et qu’elle adhère fortement aux grandes identités nationales.

En bref, il n’existe pas de réponse simple à la question de savoir dans quelle mesure les sociétés africaines sont cohésives ou non. Mais les résultats ici présentés suggèrent des perspectives nouvelles et peut-être plus nuancées pour comprendre les liens et les clivages sociaux multidimensionnels.

Carolyn Logan

Carolyn is the director of analysis and capacity building at Afrobarometer.

Aminatou Seydou

Aminatou Seydou is a researcher.

Luyando Katenda

Luyando Mutale Katenda is a researcher.