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Plus de 100 journalistes se sont sauvés du minuscule Burundi pour fuir la répression et le danger, selon Reporters Sans Frontières (RSF) – une illustration dramatique de l’impact d’une « dégradation profonde de la liberté de la presse dans le monde » (Reporters Sans Frontières, 2016).

Si une presse libre est le socle d’une société libre, l’Afrique commémore la Journée Internationale de la Liberté de Presse (3 mai) dans un contexte de préoccupation grandissante que ce pilier est sous attaques des gouvernements déterminés à réduire les détracteurs au silence. Les défenseurs de la liberté de presse rapportent un nombre de plus en plus important de journalistes harcelés, intimidés, arrêtés, torturés, ou exilés (Media Foundation for West Africa, 2015a, 2015b; Amnesty International, 2016). D’après Freedom House (2016), la liberté de presse est globalement « à son plus bas depuis 12 ans ». Certains états ont promulgué des lois répressives pour étouffer les journalistes, se justifiant souvent par un besoin de combattre l’extrémisme violent (Egypte, Ethiopie, et Kenya) ou d’arrêter la publication « d’informations fausses, perfides, trompeuses, ou imprécises » (Tanzanie) (CIPESA, 2015, p. 5) qui pourraient saper « l’unité nationale, l’ordre et la sécurité publique, les bonnes moeurs, et les bons comportements » (Burundi) (International Centre for Not-for-Profit Law, 2015, p. 13). Outre la répression gouvernementale, la liberté de presse est menacée par des acteurs non-étatiques (tels que les groupes extrémistes au Nigéria et au Mali), des officiels pouvant user d’influence, et même de l’autocensure des journalistes eux-mêmes (Cheeseman, 2016). L’effet net est d’éroder l’indépendance du journaliste et museler les médias « veilleurs » qui sont censés aider à assurer la reddition de comptes par le gouvernement (Freedom House, 2015).

Ces attaques sur la liberté de la presse peuvent également être considérées comme faisant partie d’un projet plus grand visant à contenir tout activisme civique. Par exemple, les lois anti-cybercriminalité de la Tanzanie et du Nigéria de 2015 ont été taxées de négliger la question de la liberté d’expression, d’accorder un pouvoir excessif à la police, et de n’accorder qu’une protection limitée aux citoyens lambda (Article 19, 2015; Sahara Reporters, 2015). Plus récemment, l’Ouganda a temporairement coupé les médias sociaux et ralenti l’Internet pendant ses élections présidentielles en février 2016, apparemment pour des raisons de sécurité « pour empêcher que beaucoup (d’utilisateurs des médias sociaux) ne se créent des problèmes parce que certains se servent de ces derniers pour dire des mensonges » (BBC News, 2016). Cette tendance à se servir du pouvoir d’état pour contenir l’espace civique a également été critiquée au Burundi, en République du Congo, en Egypte, au Soudan, en République Centrafricaine, au Niger, et en République Démocratique du Congo (Association for Progressive Communications, 2016).

Si un média sous attaque a besoin du soutien du public pour sauvegarder son indépendance, les citoyens africains lui en apportent – dans une certaine mesure. Au cours des dernières enquêtes d’Afrobaromètre dans 36 pays africains, une majorité (54%) de citoyens affirment soutenir des médias indépendants libres de l’interférence du gouvernement. Mais ce soutien varie de façon significative d’un pays à l’autre, et s’est légèrement ramolli depuis 2011/2013. Et il laisse une grande proportion de quatre sur 10 (42%) qui pensent qu’un gouvernement « devrait pouvoir interdire les médias de publier tout ce qui pourrait nuire à la société ».