- Les Africains considèrent la violence basée sur le genre comme le problème le plus important lié aux droits des femmes auquel leur gouvernement et leur société doivent s'attaquer, devant l’absence de femmes aux postes de pouvoir et les disparités dans l'éducation et sur le lieu de travail. o La perception de la VBG comme priorité absolue varie considérablement d'un pays à l'autre, de 5% seulement en Mauritanie à 69% au Cabo Verde.
- En moyenne, dans 39 pays, près de quatre sur 10 citoyens (38%) déclarent que la VBG est « assez courante » ou « très courante » dans leur communauté. o Dans neuf pays, la moitié au moins des répondants déclarent que la violence à l'égard des femmes est un phénomène courant, l'Angola (62%) et la Namibie (57%) figurant en tête de liste. Les citoyens pauvres sont plus susceptibles de déclarer que la VBG est fréquente.
- Plus des deux tiers (69%) des Africains déclarent qu'il n'est « jamais » justifié qu'un homme recoure à la force physique pour discipliner sa femme. o Mais 31% considèrent que le recours à la force physique par un mari est « parfois » ou « toujours » justifié, dont des majorités dans huit des 39 pays sondés. Les citoyens pauvres et peu instruits sont particulièrement susceptibles d'approuver cette forme de violence domestique.
- Plus de la moitié (52%) des répondants déclarent qu'il est « assez probable » ou « très probable » que les victimes de VBG soient critiquées, harcelées ou humiliées par d'autres membres de la communauté lorsqu'elles portent plainte auprès de la police. o Cependant, la majorité des citoyens (81%) considèrent qu'il est « assez probable » ou « très probable » que la police prenne les cas de VBG au sérieux.
- Les Africains sont divisés sur la question de savoir si la VBG devrait être traitée comme une affaire criminelle (50%) ou comme une affaire privée à résoudre au sein de la famille (48%).
- Environ six Africains sur 10 (56%) déclarent que leur gouvernement accomplit « assez » ou « très » bien son travail de promotion de l'égalité des droits et des chances pour les femmes. o L'approbation atteint 83% en Tanzanie, alors que seulement 16% des Soudanais considèrent satisfaisants les efforts de leur gouvernement.
Le jour de ses 16 ans, l’activiste pakistanaise Malala Yousafzai a ému le monde entier en prononçant un discours aux Nations Unies appelant à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des filles et des femmes. L’année suivante, elle entrait dans l’histoire en devenant la plus jeune lauréate du Prix Nobel (Malala Fund, 2013, 2014).
A cette époque, elle avait déjà subi – et à peine survécu à – une situation dramatique de violence basée sur le genre (VBG) : A l’âge de 15 ans, un Taliban lui tire une balle dans la tête, déterminé à faire taire son plaidoyer en faveur du droit des filles à l’éducation (Britannica, 2023).
Le cas de Yousafzai nous rappelle brutalement que la violence basée sur le genre, selon les termes de la Déclaration des Nations Unies (1993) sur l’Elimination de la Violence à l’Egard des Femmes, est « une manifestation des relations de pouvoir historiquement inégales entre les hommes et les femmes » et « l’un des mécanismes sociaux déterminants par lesquels les femmes sont contraintes à une position inférieure par rapport aux hommes ».
Les Nations Unies (1993) définissent la violence à l’égard des femmes comme « tout acte … qui occasionne ou est susceptible d’occasionner aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou mentales, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, aussi bien dans la vie publique que dans la vie privée ». La VBG englobe la violence physique, notamment les coups, mais aussi toute une série d’autres abus et mauvais traitements, particulièrement la traite des êtres humains, le mariage forcé et le mariage précoce, le harcèlement sexuel, l’excision, les actes d’intimidation au travail et à l’école, ainsi que le viol conjugal et d’autres formes de violence exercée par le partenaire intime.
La VBG est répandue dans le monde entier : Une femme sur trois environ a subi des violences physiques et/ou sexuelles (Organisation Mondiale de la Santé, 2021). Des cas effroyables font la une des journaux à une fréquence effrayante ; de nombreux autres cas passent sous silence, cachés à jamais derrière un mur de stigmatisation et de normes sociales répressives. Au-delà de leurs blessures profondes, de nombreuses victimes souffrent de douleurs chroniques, de problèmes gynécologiques, de toxicomanie, du VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles, ainsi que d’un risque accru de dépression et de suicide (Banque Mondiale, 2023a ; Devries et al., 2011).
Les Etats africains ont adopté des mesures importantes pour lutter contre la violence basée sur le genre. Cinquante-deux d’entre eux ont ratifié la Convention sur l’Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes, qui est largement considérée comme une charte mondiale des droits des femmes et qui, depuis 1992, reconnaît formellement l’importance de lutter contre la violence à l’égard des femmes dans le cadre de la promotion de ces droits (Nations Unies, 1979). Plus récemment, tous les Etats membres des Nations Unies ont adhéré aux Objectifs de Développement Durable (ODD), dont l’Objectif No. 5 appelle à mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles. Les gouvernements s’engagent ainsi à identifier et à combattre les us et coutumes qui perpétuent la violence à l’égard des femmes, notamment par le biais de nouvelles lois et de la formation du personnel chargé de l’application de la loi.
Les pays africains ont également déployé des efforts au niveau régional. Par exemple, 44 Etats ont ratifié le Protocole de Maputo, qui engage les Etats à lutter contre la violence à l’égard des femmes, y compris les pratiques traditionnelles préjudiciables telles que le mariage précoce et l’excision (Union Africaine, 2003). En 2010, les pays africains ont adhéré à la campagne « Africa UNiTE », qui s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale initiée par l’ancien Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki Moon visant à mettre fin à la violence contre les femmes et les filles grâce aux efforts conjoints de tous les acteurs des sociétés africaines, du secteur privé aux écoles et universités, en passant par la société civile et les gouvernements. Aux niveaux national et local, d’innombrables initiatives de gouvernements et de la société civile ont ciblé la violence contre les femmes et les filles (Banque Mondiale, 2023b ; FNUAP & Equality Now, 2021). Par exemple, sept pays (le Burkina Faso, l’Ethiopie, la Guinée, le Kenya, le Sénégal, la Tanzanie et l’Ouganda) ont pénalisé l’excision et alloué des budgets à des programmes visant à mettre fin à cette pratique. En 2022, la République du Congo et la Côte d’Ivoire ont adopté des lois protégeant les femmes contre diverses formes de violence domestique (Equality Now, 2022 ; Banque Mondiale, 2023b).
En dépit de ces efforts, les chercheurs estiment que l’Afrique a des taux de VBG parmi les plus élevés au monde (Zegeye et al., 2022), bien que les études portant sur la portée réelle de la violence à l’égard des femmes sur le continent soient relativement rares.
Cette dépêche fait le point sur un module d’enquête spécial inclus dans le questionnaire du Round 9 d’Afrobarometer (2021/2023) visant à étudier les expériences et les perceptions des Africains vis-à-vis de la violence basée sur le genre.
Les résultats révèlent qu’en moyenne à travers l’Afrique, les VBG sont considérées comme le problème le plus important en matière de droits des femmes auquel les citoyens veulent que leur gouvernement et leur société s’attaquent. Près de quatre sur 10 répondants affirment que les cas de VBG sont fréquents dans leur communauté, quoique les perceptions varient considérablement d’un pays et d’un groupe démographique à l’autre. La plupart pensent que la police prend au sérieux les plaintes pour VBG, mais plus de la moitié pensent qu’une femme qui signale un tel incident risque d’être critiquée, harcelée ou humiliée par d’autres membres de la communauté.
Si la plupart des Africains affirment que les hommes n’ont jamais le droit d’utiliser la force physique pour châtier leur femme, la moitié seulement pensent que les actes de violence domestique devraient être traités comme des affaires criminelles nécessitant l’intervention des forces de l’ordre, tandis que l’autre moitié considèrent qu’il s’agit d’une affaire privée qui doit être résolue au sein de la famille.