
Introduction
Depuis le début du nouveau millénaire, le terrorisme est devenu l’un des plus grands défis auxquels sont confrontés les pays de l’Afrique de l’Ouest (Centre Africain d’Etudes et de Recherche sur le Terrorisme, 2021). Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont été le théâtre d’attaques répétées, perpétrées par des groupes armés terroristes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat Islamique, entraînant des milliers de morts et des déplacements massifs de populations (Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest, 2024).
Cette dynamique régionale a progressivement affecté certains pays côtiers du Golfe de Guinée, notamment le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo, qui sont devenus des cibles stratégiques pour ces organisations terroristes (Africa Defense Forum, 2024).
Depuis 2021, la menace terroriste s’intensifie au Togo, particulièrement dans la région des Savanes, frontalière avec le Burkina Faso. Longtemps épargné par les violences qui frappent le Sahel, le pays doit désormais faire face à une recrudescence d’attaques perpétrées par des groupes armés terroristes. Depuis le début de l’année, le pays a déjà subi 15 attaques, faisant environ 54 victimes civiles et des milliers de déplacés (Psaledakis, 2025). Il est même à craindre un enracinement local de l’insécurité puisque les attaques se font de plus en plus loin des zones frontalières. Cette situation a instauré un climat de peur et d’incertitude, notamment dans les localités frontalières (Africa Defense Forum, 2024 ; Khalfaoui, 2025).
Plusieurs facteurs expliquent cette vulnérabilité accrue du Togo face à l’expansion du terrorisme. En premier lieu, la proximité immédiate avec le Burkina Faso expose naturellement la région des Savanes à des incursions de combattants en quête de refuges temporaires ou de nouveaux espaces d’influence (International Crisis Group, 2024). De plus, la porosité des frontières facilite les mouvements transfrontaliers des groupes armés, complexifiant ainsi les efforts de surveillance et de contrôle sécuritaire. Par ailleurs, la fragilité socio-économique de ces territoires constitue un terreau propice à l’implantation et au recrutement par les groupes extrémistes. En effet, la faiblesse des infrastructures, la précarité des conditions de vie et la marginalisation de certaines communautés alimentent un sentiment d’abandon susceptible d’être exploité par les idéologies radicales (Institut d’Etudes de Sécurité, 2023). En outre, les groupes extrémistes ravivent les conflits existants – conflits fonciers ou conflits éleveurs-agriculteurs – dans les communautés pour prendre pied (Khalfaou, 2025). Il faut noter aussi que la menace terroriste s’accompagne d’une milicisation des groupes armés, qui nouent des alliances opportunistes avec certains acteurs communautaires locaux pour gagner du terrain (Bako-Arifari, Amouzou-Glikpa, & Chabi-Imorou, 2024).
Face à cette menace croissante, le gouvernement togolais a engagé des initiatives importantes pour renforcer la sécurité et la résilience de la région. Sur le plan militaire, les forces de défense et de sécurité ont été déployées en renfort dans la région des Savanes afin de mieux sécuriser les frontières et prévenir toute infiltration de groupes hostiles. L’opération Koundjoaré, mise en place dès 2018, illustre cet engagement dans la lutte contre les incursions terroristes et la protection des populations locales (Ministère des Armées, 2022). Parallèlement, le Comité Interministériel de Prévention et de Lutte contre l’Extrémisme Violent (CIPLEV) a été instauré pour coordonner les efforts de prévention et renforcer la résilience des communautés face aux discours radicaux (Institut d’Etudes de Sécurité, 2019). En complément de ces mesures sécuritaires, le gouvernement a lancé en octobre 2023 le Programme d’Urgence pour la Région des Savanes (PURS). Ce programme vise à améliorer les conditions de vie des populations affectées par l’insécurité en développant des infrastructures, en favorisant l’accès aux services de base et en renforçant les opportunités économiques pour les jeunes. L’objectif est de contrer les facteurs sous-jacents qui favorisent la radicalisation et de restaurer un climat de confiance entre les populations et l’Etat (Portail Officiel de la République Togolaise, 2023).
Cependant, malgré ces efforts significatifs, des défis majeurs subsistent. La communication autour des actions entreprises et la gestion du sentiment d’insécurité demeurent des enjeux cruciaux.
Selon les récents résultats de l’enquête Afrobarometer, une majorité de Togolais considèrent que le gouvernement répond de manière adéquate aux préoccupations liées au terrorisme dans le Nord du pays, une opinion particulièrement forte dans la région des Savanes. La confiance envers la capacité des autorités à contenir ou éradiquer cette menace est également largement partagée. Toutefois, les avis sont plus divisés quant à la qualité de la communication gouvernementale, et près de la moitié des citoyens déclarent ressentir un sentiment accru d’insécurité lié à la situation au Nord.
Les habitants des Savanes se distinguent par un regard plus optimiste sur l’orientation et la situation économique du pays, ainsi que des perspectives d’avenir, bien qu’ils soient plus enclins à percevoir des traitements discriminatoires envers les membres de leur groupe ethnique et qu’ils fassent face à un déficit plus marqué en infrastructures et services.
Par ailleurs, la résidence dans la région des Savanes est associée à une confiance accrue envers le gouvernement dans la lutte contre le terrorisme, de même qu’à une meilleure appréciation de sa communication et de sa gestion des préoccupations relatives à la situation sécuritaire dans le Nord. En revanche, la perception d’une bonne situation économique nationale exerce une influence mitigée sur l’approbation de ces politiques.
Cela suggère que la proximité avec les zones d’insécurité, défavorisées en infrastructures et en services, n’entraîne pas nécessairement un rejet des politiques gouvernementales en matière de sécurité. La perception d’une bonne situation économique nationale, probablement liée aux investissements massifs consentis par le gouvernement dans la région, entretient toutefois un lien mitigé avec leur approbation.
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