- Dans l'ensemble, les citoyens africains sont attachés à la démocratie. La plupart des indicateurs de soutien à la démocratie et aux institutions démocratiques demeurent solides et assez stables.
- Les indicateurs de l'offre sont largement à la traîne par rapport à ceux de la demande, et ont plutôt régressé au cours de la dernière décennie. De moins en moins de personnes estiment que leur pays est une démocratie, et la satisfaction à l'égard de la démocratie est encore plus faible, et décline plus rapidement.
- En comparaison avec leurs aînés, les citoyens âgés de 18 à 30 ans affichent un engagement plus fort envers la démocratie sur certains indicateurs, notamment ceux liés à l'importance du multipartisme, mais un soutien un peu moindre aux élections et à la démocratie en général.
- En dépit des défis liés à la qualité des élections, les Africains sont généralement assez positifs sur de nombreux aspects de leurs élections. Plus important encore, de grandes majorités dans la plupart des pays se sentent libres de voter comme ils
Ces dernières années, l’Afrique a connu aussi bien des progrès démocratiques encourageants que des reculs antidémocratiques inquiétants. Au nombre des signes encourageants figurent la réussite de l’élection présidentielle de 2021 en Gambie, la transition en 2021 du parti au pouvoir en Zambie et les premiers transferts de pouvoir démocratiques au Niger (2020/2021) et aux Seychelles (2020). Nous pouvons ajouter la décision prise en février 2020 par la Cour Constitutionnelle du Malawi d’annuler les résultats de l’élection présidentielle irrégulière de 2019 et d’appeler à une nouvelle élection, ainsi que le départ des autocrates en place depuis longtemps au Soudan et au Zimbabwe.
Ces avancées sont toutefois tempérées par les revers subis ailleurs, notamment les mesures restrictives croissantes imposées aux partis d’opposition au Bénin, au Sénégal et en Tanzanie, le recours à la fraude électorale, à la violence et à l’intimidation lors des élections en Côte d’Ivoire et en Ouganda, ainsi qu’une vague de coups d’État récents au Tchad, au Mali, au Soudan et en Guinée en 2021 et deux au Burkina Faso en 2022.
Les présidents les plus autocratiques du continent semblent parfois avoir été encouragés à utiliser des tactiques antidémocratiques par des facteurs tels que l’accent mis par l’Occident sur la lutte contre l’extrémisme violent et la recrudescence des insurrections, l’influence croissante de la Chine et de la Russie, l’indifférence voire l’hostilité de ceux-ci et d’autres partenaires au développement de l’Afrique en matière de gouvernance démocratique, et le prétexte que représente parfois la pandémie de COVID-19 pour limiter les libertés, faire obstacle à une campagne équitable ou reporter les élections.
Ces faits contradictoires ont conduit à des avertissements alarmants de la part des experts, selon lesquels la démocratie serait en train de perdre du terrain en Afrique. Mais que peut-on apprendre des Africains eux-mêmes sur l’état de la démocratie sur le continent ? Comment ces événements dans le projet africain de démocratisation se traduisent-ils dans les tendances des attitudes populaires vis-à-vis de la démocratie ? Ces efforts visant soit à saper, soit à promouvoir et à défendre la démocratie sont-ils évidents aux yeux des citoyens ordinaires ?
Les enquêtes au titre du Round 8 d’Afrobarometer ont été réalisées dans 34 pays au cours des années 2019-2021, en même temps que bon nombre de ces progrès et reculs démocratiques, et à cheval sur le début de la pandémie. Et les conclusions révèlent que, pour la plupart, les Africains restent attachés à la démocratie. Nous découvrons qu’en dépit des nombreux efforts déployés pour affaiblir les normes et les libertés démocratiques, les citoyens continuent d’y adhérer. Ils estiment que l’armée doit se tenir à l’écart de la politique, que les partis politiques devraient librement rivaliser pour conquérir le pouvoir, que les élections sont un outil imparfait mais essentiel pour choisir leurs dirigeants et qu’il est temps que les vieillards qui s’accrochent au pouvoir se retirent.
Mais leur réalité politique est souvent en deçà de ces aspirations : C’est souvent l’offre de la démocratie qui laisse à désirer pour les citoyens. La perception d’une corruption généralisée et qui s’aggrave est profondément corrosive, entraînant une insatisfaction croissante des citoyens à l’égard de systèmes politiques qui ne répondent pas encore à leurs aspirations à vivre dans des sociétés gouvernées de façon démocratique et responsable. Et, bien que les citoyens disposent d’une multitude de moyens pour exprimer leurs préoccupations, ils ont le sentiment que leurs gouvernements ne les écoutent pas.
En d’autres termes, les Africains aspirent à une gouvernance plus démocratique et plus responsable que celle dont ils estiment bénéficier.