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Avant l’avènement de l’administration moderne, la chefferie traditionnelle a exclusivement assuré la gestion des peuples, ce qui lui a permis d’accroître son importance en Afrique. Cependant, après les indépendances, les chefs traditionnels ont été relégués en arrière-plan par l’État moderne au nom du développement (Perrot, 2006). En Côte d’Ivoire, avant 2014, le souci de mieux affermir son autorité a conduit l’État à imposer des limites au pouvoir local où, désormais, les attributions des chefs traditionnels consistent essentiellement à servir de relais entre l’administration moderne et la population rurale (Kouadio, 2001).

L’État nouvellement indépendant s’est renforcé par le développement progressif de l’administration. La création des communes a vu apparaître les élus locaux (maires et députés), qui sont choisis par les populations et ont en charge la défense des intérêts de leurs mandants. À ces élus locaux s’ajoutent les représentants de l’administration.

Face à cette multiplication des centres de pouvoir au niveau local, il apparaît sans ambages que le pouvoir du chef traditionnel s’est fortement réduit. En plus de la perte de plusieurs prérogatives au profit de l’administration moderne, les chefs traditionnels fonctionnent non comme des décideurs politiques, mais plutôt comme des exécutants, des auxiliaires, des subordonnés de cette nouvelle administration (Koné, 2015).

Cependant, malgré les efforts de sensibilisation du gouvernement pour accroître le niveau de collaboration entre population et administration étatique locale, les habitants des villages continuent de privilégier la fréquentation de la chefferie traditionnelle dans nombre de situations. C’est d’ailleurs ce qui pousse les gouvernants et les élus locaux à régulièrement solliciter l’aide des chefs traditionnels pour faire passer certains messages.

De plus, les crises politiques successives et la fracture sociale qui s’en est suivie ont également entrainé le retour en force des institutions de leadership traditionnel (Sohuily, 2004). Les chefs traditionnels ne sont plus seulement l’apanage des villages. En ville, leur présence est de plus en plus remarquable sous le titre de « chefs de communautés ethniques ». Ici, le pouvoir détenu ne s’étend pas à toutes les personnes qui vivent dans la ville mais aux seuls ressortissants du groupe ethnique (Syddick, 2017). Les chefs traditionnels gèrent, à une échelle micro, la vie politique, sociale et financière. La pluralité des rôles joués concoure à accroître leur crédibilité et leur influence auprès des communautés. Cette influence est aussi reconnue par les autorités locales de l’administration moderne. Dans la plupart des villages, la disposition de la population à écouter les consignes nationales dépend du degré d’implication du chef traditionnel (Ciyow, 2020).

De plus, la nouvelle constitution ivoirienne adoptée en 2016 consacre la reconnaissance de la chefferie traditionnelle. À l’image du Ghana, la Côte d’Ivoire a procédé à la création d’une Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels (CNRCT). Cette institutionnalisation de la chefferie traditionnelle dans le système démocratique ivoirien signifierait aussi l’échec de l’option de la mise à l’écart des chefs traditionnelles qui avait été privilégiée après les indépendances. La nouvelle stratégie semble répondre au besoin de tirer parti de leur expérience de gestion de la communauté et de marquer aussi l’importance de leur apport dans la reconstruction du tissu social après plusieurs années de crises.

Cette interaction entre le pouvoir moderne et la chefferie traditionnelle suscite certaines interrogations. Aux yeux des Ivoiriens, quels rôles les chefs traditionnels jouent-ils encore aujourd’hui ? Conservent-ils toujours leur influence d’antan auprès de leurs concitoyens ? L’institutionnalisation de la chefferie traditionnelle, notamment par une chambre nationale, affecte-elle la crédibilité des autorités traditionnelles ?

Ce document examine plusieurs facteurs, au fil du temps et par rapport à d’autres pays de la sous-région, qui pourraient être associés à la perception et la légitimité de la chefferie traditionnelle, notamment la confiance, la corruption, la performance et l’influence dans la gouvernance et la politique.

Wohi Flan

Wohi Flan est doctorant à l’Université Alassane Ouattara et assistant de recherche au Centre de Recherche et de Formation sur le Développement

Silwe Kaphalo Segorbah

Silwe Kaphalo Segorbah is the Executive Director of CREFDI and the National Investigator in Cote d’Ivoire

Joseph Koné

Research associate and finance officer at CREFDI