En Afrique, comme partout ailleurs, les médias de masse font face à des opportunités et des menaces toujours plus nombreuses. Les nouvelles technologies permettent aux producteurs de partager plus facilement du contenu aussi bien globalement qu’à moindre coût, ce qui crée une prolifération et une diversification des sources d’informations (Varzandeh, 2018). Et des populations plus importantes peuvent accéder à du contenu plus facilement et à moindre coût qu’auparavant – et participer eux-mêmes à ces discussions – à travers des tribunes téléphoniques sur les chaines de radio en langue vernaculaire, des sites d’actualités sur l’Internet, et des réseaux sociaux tels que WhatsApp et Twitter.
En revanche, la nouvelle concurrence et l’accès à un contenu gratuit menacent les revenus des médias. Le scepticisme du consommateur par rapport aux acteurs des médias a grimpé en flèche puisque plus de personnes perçoivent les médias comme propagateurs de mensonges, de préjugés, et de propagande haineuse, surtout lorsque les messages critiquent les politiciens ou les politiques qu’ils soutiennent. Les politiciens – dans les régimes aussi bien démocratiques qu’autoritaires – sont plus que ravis d’alimenter cette colère, ce qui ouvre la voie aux gouvernements qui initient des attaques légales et extra-légales toujours plus téméraires contre les médias. Les observateurs des médias, tels que Freedom House, le Comité pour la Protection des Journalistes, et Reporters Sans Frontières, font état de l’accroissement de la règlementation, la censure, et même la violence du gouvernement contre les acteurs de médias en Afrique et dans le monde (Reporters Sans Frontières, 2018a; Shahbaz, 2018; Simon, 2017).
Quelle est la position de l’Africain ordinaire dans ce débat évolutif portant sur la liberté et les contraintes?
Le dernier round d’enquêtes d’Afrobaromètre, conduit dans 34 pays dans toutes les régions du continent, attire l’attention des défenseurs de la liberté de la presse: Le soutien populaire à la liberté des médias – majoritaire il y a trois ans seulement – est maintenant minoritaire, surpassé par ceux qui accorderaient le droit de censure aux gouvernements.
Cette sonnette d’alarme marque également un paradoxe. D’une part, beaucoup d’Africains pensent que les médias dans leurs pays ont plus de libertés aujourd’hui qu’ils n’en avaient il y a plusieurs années. Rien ne dit cependant que ces développements sont positivement appréciés. En effet, parmi les citoyens qui perçoivent un accroissement des libertés des médias dans leur pays, ceux qui appellent le gouvernement à restreindre davantage les libertés des médias dépassent de loin le nombre de ceux qui soutiennent un élargissement des libertés de la presse.
Fait plus encourageant, peut-être, ceux qui perçoivent le déclin des libertés des médias dans leur pays sont plus susceptibles de soutenir les libertés que les restrictions. Quoi qu’il en soit, il s’avère qu’un nombre important d’Africains sont mécontents de l’état actuel des médias dans leur pays, du moins en ce qui concerne la demande et l’offre de libertés.
Néanmoins, quasiment tous les Africains ont recours aux médias de masse pour s’informer de l’actualité. La radio est encore la source d’informations la plus largement consultée, suivie de la télévision, alors que le lectorat des journaux demeure relativement rare sur le continent. L’accès à l’Internet et aux réseaux sociaux s’accroit, des majorités rapportant un usage régulier dans certains pays. Il existe cependant une grande fracture numérique: L’accès aux sources numériques est beaucoup plus élevé dans certains pays que d’autres, et est déséquilibré en faveur des citoyens les plus nantis, mieux instruits, et plus jeunes, ainsi que des citadins et des hommes.