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Key findings
  • La contrebande est un problème pour la plupart des Tunisiens, mais la proportion de citoyens qui considèrent qu’il s’agit d’un souci majeur a diminué de 6 points de pourcentage par rapport à 2020, passant de 72% à 66%.
  • La majorité (62%) des citoyens pensent que le gouvernement gère mal le problème de la contrebande.
  • La majorité (55%) des enquêtés affirment préférer payer plus cher pour des marchandises provenant de canaux officiels, mais la proportion de ceux attestant préférer obtenir une marchandise à un prix inférieur, même si elle provient d’activités informelles, a augmenté entre 2020 et 2022, passant de 28% à 41%.
  • La proportion des Tunisiens qui trouvent « repréhensible et punissable » l’achat sciemment des marchandises provenant de la contrebande a baissé depuis 2020 (de 46% à 38%), tout comme celle de ceux qui condamnent l’idée de travailler dans la contrebande (de 64% à 49%).
  • Les populations des régions frontalières sont celles qui sont le plus souple dans leur jugement des activités de contrebande. Les régions du Sud et du Centre-Ouest sont donc moins en aversion avec l’idée de travailler dans l’informel ou d’en acquérir les marchandises.

La contrebande – le transport illicite de marchandises ou de personnes au travers des frontières afin d’éviter le paiement des taxes – a pris une ampleur significative en Tunisie, profitant du relâchement sécuritaire après le mouvement populaire de 2011 mais également de l’embrouillage qu’a connu la limitrophe libyenne après la chute de Moammar Gadhafi (Leaders, 2013). Le taux de chômage élevé, la pénurie de certains produits de base, l’inflation et les prix moins chers des produits de contrebande ainsi que la porosité des vastes frontières avec l’Algérie et la Libye sont tous des facteurs qui ont favorisé l’épanouissement de l’activité contrebandière (Boubakri, 2004 ; Ayadi, Benjamin, Bensassi, & Raballand, 2013 ; Jeune Afrique, 2016).

Bien que la contrebande procure des avantages pécuniaires, elle pose tout de même de sérieux ennuis à l’économie nationale, car elle constitue un véritable manque à gagner en recettes fiscales pour l’État. Des sources officielles évaluent les pertes annuelles de recettes fiscales liées à la contrebande à 1,2 milliard de dinars (USD 368 millions), ce qui peut avoir un impact négatif significatif sur les investissements publics (Jelassi, 2021 ; Bentamansourt, 2020). La contrebande favorise également la concurrence déloyale en fragilisant le secteur formel, qui paye les droits et les taxes et emploie les citoyens, sans oublier les risques sanitaires que courent les consommateurs en prenant des produits qui n’ont fait objet d’aucun contrôle de qualité et de sécurité sanitaire (Raballand & McKenna, 2014).

Face à de tels enjeux, l’État tunisien avait adopté en 2013 un plan de lutte contre la contrebande qui repose sur le renforcement du contrôle interne, du parc automobile douanier et des infrastructures au niveau des frontières ainsi que le remplacement des scanners à certains endroits (Ayadi et al., 2013). Dans le cadre de l’exécution de ce plan, les opérations anti contrebandières se sont vu accroître, permettant à la douane d’améliorer ses recettes et de démasquer des réseaux de commerce illicite. En effet, en 2021 la douane a réalisé un chiffre record de recettes d’environ 4,7 milliards de dinars (USD 1,4 billion), soit une croissance d’environ 19% comparativement à l’année précédente (Jelassi, 2021).

C’est dans ce contexte que les données d’Afrobarometer sont sollicités pour faire la lumière sur les perceptions et les aspirations des Tunisiens sur la question de la contrebande dans leur pays.

La majorité des Tunisiens affirment que la contrebande est un problème majeur pour leur pays et désapprouvent la performance du gouvernement dans sa gestion, selon les résultats de l’enquête Afrobarometer la plus récente. La majorité affirment également sa volonté de payer plus cher pour des marchandises légales, mais la proportion de ceux qui priorisent les prix à la légalité des produits a considérablement augmenté entre 2020 et 2022.

Aussi, la proportion des citoyens qui condamnent l’achat sciemment des produits de contrebande a baissé depuis 2020, tout comme le taux de citoyens qui condamnent le travail dans la contrebande.

L’enquête démontre aussi que le manque en produits de première nécessité prend une tendance haussière pour la population tunisienne, ce qui pourrait inciter le citoyen à s’approvisionner du marché informel.

Aboubacari Diallo

Aboubacari Diallo est ingénieur statisticien économiste chez One to One for Research and Polling, le partenaire national d’Afrobarometer en Tunisie.

Imen Mezlini

Imen Mezlini is the national investigator for Tunisia.