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Key findings
  • Aussi bien les Guinéens (76%) et les Ivoiriens (78%) que les Sénégalais (77%) soutiennent la limitation des mandats présidentiels par la Constitution à un maximum de deux
  • Au moins deux tiers des Guinéens (66%), Ivoiriens (69%), et Sénégalais (69%) pensent que le président doit être redevable envers l’Assemblée Nationale. Environ huit citoyens sur 10 en Guinée (81%), en Côte d’Ivoire (82%), et au Sénégal (77%) affirment que le président doit obéir aux lois et décisions de justice, même s’il les considère erronées.
  • Près de la moitié des Guinéens (49%) et d’Ivoiriens (46%) pensent que le président ignore « souvent » ou « toujours » l’Assemblée Nationale et fait ce qu’il veut. Par contre, cette proportion ne représentait que 18% au Sénégal en 2017. De même, plus de la moitié d’Ivoiriens (51%) et de Guinéens (54%) estiment que le président ignore « souvent » ou « toujours » les tribunaux et lois du pays.
  • La majorité des Ivoiriens (91%), Guinéens (80%), et Sénégalais (63%) pensent que les députés à l’Assemblée Nationale ne les écoutent jamais ou les écoutent quelques fois seulement
  • Les Sénégalais (94%), Ivoiriens (90%), et Guinéens (78%) pensent en grande majorité que les gens doivent « souvent » ou « toujours » faire attention à ce qu’ils disent en politique
  • Les institutions démocratiques ne suscitent pas la confiance des Ivoiriens, Guinéens, et Sénégalais. Si les Ivoiriens ne font « pas du tout » ou font « juste un peu » confiance à l'Assemblée Nationale (60%), aux cours et tribunaux (55%), et à la commission électorale (61%), les Guinéens expriment la même chose (60%, 66%, et 56%, respectivement). Au Sénégal en 2017, ces pourcentages étaient de 47%, 30%, et 39%.
  • Ni les Ivoiriens ni les Guinéens ne reconnaissent les élections comme un moyen d’assurer que les citoyens puissent démettre les dirigeants qui ne comblent pas leurs attentes ou que les vues des électeurs soient reflétées par les représentants à l'Assemblée Nationale. Néanmoins, le soutien aux élections comme meilleur moyen de choisir les dirigeants est fort dans tous les trois pays.

La Côte d’Ivoire, la Guinée, et le Sénégal ont en commun leur histoire d’anciennes colonies françaises. Ils partagent le Français comme langue officielle et ont des structures politiques et institutionnelles très similaires. Tous ces trois pays situés en Afrique de l’Ouest ont obtenu leurs indépendances dans une période de 18 mois en 1958-1960 (CNDP-CRDP, 2010).

La vie démocratique de ces pays pourrait être divisée en deux grandes phases depuis les indépendances: la période de construction des nations, marquée par le monopartisme, et la période de quête démocratique et d’institutions fortes, marquée par le multipartisme et l’émergence de mouvements sociaux. Durant la première étape, sous des leaders (les pères fondateurs de la nation) avec des pouvoirs plus ou moins « autocratiques », la priorité consistait pour les micro-Etats indépendants à bâtir des nations unies et orientées vers le développement socio-économique. La question de limitation de mandats ne se posait pas donc encore, du moins dans la manière actuelle, et le multipartisme ainsi que les libertés d’association et d’expression n’étaient pas assez effectives. Le multipartisme ne sera instauré en Guinée et en Côte d’Ivoire qu’en 1990 et intégralement au Sénégal qu’en 1981 (Abidjan.net, 2020; Jeune Afrique, 2008; Sénégal Online, 2020).

La seconde étape de la vie démocratique de ces pays est ainsi marquée par de fortes demandes de démocratie: changements au sommet du leadership étatique, la liberté d’association et d’expression, et l’exigence d’institutions fortes capables de préserver les aspirations citoyennes contre les dérives de présidents « superpuissants » qui manipulent les institutions en vue de rester au pouvoir (Sakpane-Gbati, 2011).

Aujourd’hui, aussi bien la Côte d’Ivoire et la Guinée que le Sénégal sont confrontés à la question de la limitation de mandats présidentiels à un maximum de deux. Tous les présidents concernés ont fait des promesses de garantir et protéger cette volonté populaire. En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara se dédit et se présente aux prochaines élections (Confidentiel Afrique, 2020). En Guinée, Alpha Condé organise un référendum controversé (boycotté par l’opposition) et fait adopter une modification de la Constitution qui lui permet de se présenter aux prochaines élections présidentielles (BBC Afrique, 2020). Au Sénégal, après avoir fait un premier mandat, Macky Sall organise un référendum dans lequel les Sénégalais bannissent plus de deux mandats pour les présidents. Cependant, interrogé sur la question de savoir si oui ou non il va se présenter pour un troisième mandat en 2024, ce dernier répond que sa réponse n’est « ni oui, ni non » (Diouf, 2020). De plus, trois de ses partisans ayant exprimé une impossibilité constitutionnelle pour le président de se présenter, ont été limogés (Dakar Actu, 2020), ce qui laisse croire que le président souhaite se présenter pour un troisième mandat.

Les données de récentes enquêtes d’Afrobarometer en Côte d’Ivoire et Guinée (en fin 2019) et au Sénégal (en fin 2017) montrent une constance du soutien des peuples quant à la limitation par la Constitution des mandats présidentiels. Cependant, malgré cette opinion populaire, on note que la volonté des présidents de briguer un troisième mandat finissent par l’emporter sur celle des peuples. Cela signifie-t-il un échec des institutions démocratiques?

Ces données d’Afrobarometer invitent ainsi les acteurs politiques, les organisations régionales et internationales ainsi que la société civile à penser des mécanismes de consolidation des institutions démocratiques en mesure de protéger les aspirations des peuples.

Ousmane Djiby Sambou

Ousmane Djiby Sambou is a knowledge management officer at UNICEF