- Une majorité de Tunisiens affirment jouir de plus de libertés politiques et civiques par rapport à quelques années auparavant. Cependant, un nombre croissant de citoyens estiment devoir être prudents lorsqu'ils parlent de politique.
- Plus de deux tiers (68%) des Tunisiens affirment discuter de politique au moins de temps à autre, et trois quarts (73%) déclarent s’informer quotidiennement de l'actualité par le biais de la télévision. Chez les plus jeunes adultes, l'Internet et les réseaux sociaux constituent une source d'information plus fréquente (77%).
- La participation électorale est sur le déclin. La moitié (50%) seulement des Tunisiens affirment avoir voté lors des dernières élections nationales, et le nombre de ceux qui ont décidé de ne pas voter a doublé entre 2013 et 2018.
- Alors qu'une petite minorité seulement des Tunisiens affirment s'être joints à d'autres pour aborder un problème ou avoir participé à une manifestation au cours de l'année précédente, une proportion croissante des citoyens déclarent qu'ils entreprendraient une telle action s'ils en avaient la possibilité.
- L'engagement civique et politique par le biais d'associations bénévoles et de prises de contact avec les dirigeants est limité à un citoyen sur 10 environ.
La Tunisie est, depuis sa révolution en 2011, un modèle de transition démocratique réussie dans le monde arabe (Caryl, 2019). Alors que la Libye, le Yémen, et la Syrie ont sombré dans la guerre civile, et que l’Égypte et le Bahreïn sont tombés dans la répression et l’autoritarisme, la Tunisie est le seul pays du Printemps arabe où la démocratie a survécu (Chulov, 2018).
Ce petit pays d’Afrique du Nord a organisé à plusieurs reprises des élections libres et transparentes, notamment des élections aux assemblées constituantes en 2011, des élections municipales en 2018, et des élections parlementaires et présidentielles à deux reprises, en 2014 et 2019. La Tunisie a adopté la constitution la plus progressiste du monde arabe en 2014, qui garantit les libertés d’expression, de réunion, et de la presse, protège le droit d’accès à l’information, et impose l’égalité des sexes avec un engagement actif de l’état à la faire respecter (Constitute Project, 2019). Alors que le pays continue de faire face à d’énormes problèmes économiques, ses actions lui ont valu d’être reclassé par Freedom House (2015) de « non libre » à « libre ».
L’une des principales raisons pour lesquelles la démocratisation a réussi en Tunisie contrairement à d’autres pays du Printemps Arabe réside dans la force de la société civile du pays. En 2010, lorsque les manifestations se sont intensifiées et étendues à la capitale, des groupes de la société civile, des syndicats, des avocats, des journalistes, et des partis d’opposition se sont joint aux manifestants et ont joué un rôle clé en mettre fin aux 23 ans de régime autoritaire (Yerkes & Ben Yahmed, 2018). Après la révolution, le Quartet Tunisien du Dialogue National – composé de l’Union Générale Tunisienne du Travail; de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat; de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme; et de l’Ordre des Avocats de Tunisie – a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2015 pour avoir réussi un compromis entre les acteurs politiques laïques et islamistes alors que la transition démocratique était sur le point de s’effondrer par suite d’une intense polarisation politique (Nobel Prize, 2015). Les politiques ont accepté transcender leurs divergences et parvenir à un consensus qui permettait aussi bien aux islamistes qu’aux laïques de s’exprimer dans le nouveau système politique (Marks, 2015).
Nous fondant dans cette dépêche sur les données des enquêtes Afrobarometer, nous étudions l’engagement citoyen en Tunisie. Nous observons que si une majorité de Tunisiens affirment que les libertés civiques et politiques se sont accrues au cours des dernières années, la proportion des citoyens qui se sentent limités dans leurs discussions politiques est plus élevée, et moins de personnes se rendent aux urnes à l’occasion des élections. Quand bien même un nombre croissant de Tunisiens expriment la volonté de se réunir pour discuter d’une question ou participer à une manifestation, dans la pratique, seules de petites minorités s’engagent au travers d’organisations de la société civile ou de prises de contact avec leurs dirigeants.
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